Içi c'est mort, terminé, achevé...Chuuut! La vie
Içi c'est mort, terminé, achevé...Chuuut! La vie est ailleurs!
Içi c'est mort, terminé, achevé...Chuuut! La vie est ailleurs!
Les yeux s'ouvrent à une heure inhabituelle, 09H37, moins les 13 minutes d'avance de ma montre sur les cloches de Saint Denis c'est quand même presque une grasse matinée. C'est la faute aux affranchis et à Scorcese qui ont pris un morceau de nuit et à l'écran d'ordinateur qui m'a encore aspiré la veille.
Les yeux s'ouvrent et le corps marche vers le kiosque à journeaux, l'un d'eux se jettera dans mes mains et sera souillé de tâches de confiture, de fromage et de jaune d'oeuf, compagnon de la quiètude d'un déjeuner à l'anglaise dans le 93.
Le corps marche et poursuit finalement jusqu'au marché, comprenez...le pain aux céréales y est délicieux et les yaourths viennent à seize contre vos trois euros. Halleluiah! Même si Brahim, kader et Sékou connaissent et reconnaissent peu ce monsieur le christ.
Quelques pas dans l'artére principale, trois policiers dépassés, je me demande si c'est leur uniforme et le poids de leur attirail SM qui les conditionnent à marcher mains à la ceinture. la foule est encore réduite à cette heure là, il y a un mois se vendaient des couverts içi maintenant ce sont des bonnets des gants, adaptation...
Tout d'un coup passent à toute vitesse deux bonhommes, chacun lourdement chargé d'un sac plastique, leur allure pataude est drôle, l'on dirait deux enfants vieillis jouant à la puce, rires en moins. derrière une autre cavalcade en échos, trois vendeurs à la sauvette pakhistanais courent, poursuivis à quelques centimétres de distance par les hommes en bleus qui les saisissent.
Tout le long de cette rue il y a des vendeurs pakhis ( ou d'ailleurs mais tamouls en tout cas) qui vendent tous la même chose, des poupées qui parlent, des jouets bruyants, du toc bourré de tics. Sont ils saisis pour papiers défaillants ou vente frauduleuse? je ne saurais pas.
Plus loin à l'entrée du marché les deux fuyards rescapés sont tapis, ils observent le sort de leurs camarades. l'un d'eux est un veil homme au visage sage, pourtant il a dû courir tout à l'heure, devant son fils sans doute. Son regards est digne et triste, derrière eux, c'est la halle, clémentines, viande puante, fromages onctueux, nourriture à la tonne. La vie continue même si c'est la panique au Pakhistan.
Mamadou était un géant doux dans une classe de gamins agités. Assis en face de moi dans mon bureau il était encore immense, par sa carrure, sa voix posée et des propos lucides, d'adultes, même pour compenser un énervement d'enfant à l'égard de son prof de maths. Il était de ces jeunes là qui ont parfois l'air de vieux sages aprés des années tourmentées. Il avait fait baucoup de chemin vers la maturité après une période agitée, dure, riche en problémes, que je n'ai pas connue.
Ce jour là c'est en entendant des hurlements de souffrance que je suis sorti du bureau du proviseur où nous étions en réunion, un de ces moments assomants où l'on se sent captif alors que le temps s'écoule lentement et...perdu.
Hurlements de souffrance face à un surveillant qui essayait de le canaliser, il empoignait de celle restée intacte une main atrocement abimée dont la peau noire pendait laissant la chair voir la chair rose à vif.
Quelques minutes plus tôt il vidait le réservoir d'une voiture, l'essence lui coulant sur le bras. A l'atelier il y avait toujours un prof pour 8 ou 10 élèves, c'est beaucoup dix? Parmi ceux qui l'entouraient l'un aurait prétendu que c'était de la "vieille essence" et qu'elle ne brulait pas. Celui là aurait été un jeune adulte incorporé au groupe de lycéens mais avec un autre statut. L'on vantait parfois la maturité qu'ils pouvaient apporter à "nos élèves".
Si ce qu'on m'a dit est vrai le jeune homme mature a tranquillement pris son briquet pour vérifier la vétusté de l'essence, transformant la main de mamadou en torche d'un seul coup. Hurlements, les professeurs présents l'ont repoussé et laissé, seul,traverser le lycée pour chercher de l'aide...ailleurs.
Nous sommes deux à être allé le voir à l'hôpital, deux et seulement deux. Hélas il était en soins ce jour là. Il a essayé de revenir en cours, un gant noir masquant sa main sauvée. C'était trop, trop lui demander que d'être face à ceux qui l'avaient laissé dans cet état là. Les études se seront arrêtées ce jour là pour lui.
Il y eu un note de service rappellant à la plus grande vigileance , le proviseur m'expliquant qu'on ne peut pas "tout laisser faire à nos élèves car on a vraiment des imbéciles" ou quelque chose d'approchant. "L'imbécile" , dans sa bouche vulgaire, était ce gosse encore alors à l'hôpital. c'était ce gamin revenu de loin, voulant avoir un diplôme et capable de s'exprimer comme un adulte.
Il aurait fallu qu'il brûle ce lieu là, sans morts ni blessés mais parce qu'il n'était rien et moins que rien: mépris et violences.
Bien sur tout ceci ne doit être que fiction, ça ne peut exister tout celà. Il n'y a pas de systéme à deux vitesses l'enseignement est le même pour tous et l'éducation nationale un havre de paix. Cette vie est juste un songe où l'on croise parfois un doux géant ganté de noir.
Une histoire de garges normalement ça a quatre ans puisque cela fait quatres ans que je n'y avais pas mis les pieds. D'ailleurs je n'y ais toujours pas mis les pieds mais quand même posé les roues.
Une journée où ma gueule est sale, ma barbe antipathique, mes cheveux sans forme pleurnichent pour être caressés par des ciseaux et j'ai l'optimisme d'un condamné à mort ou d'un suicidaire condamné à vivre. N'écoutant que mon courage je fuis ces tendances négatives à me hissant sur mon destrier: un vélo rouge robuste et conquérant.
Pas de départ vers l'inconnu mais un repérage du trajet jusqu'au parc de la courneuve dans l'idée d'y aller courir régulièrement. Une dizaine de minutes de pédalage, qui me permettent de croiser une "allée des postillons" au nom curieux, et me voilà face à une madelaine de proust sur plusieurs hectares.
Dans ce grand parc j'ai couru régulièrement dans une autre vie éloignée de quelques années. L'heureuse surprise c'est que de mon nouveau chez moi je débouche sur l'endroit où j'ai couru avant. La courneuve c'est un coin de vert entre le gris des immeubles, un coin de vert valonné aux lacs artificiels où les gens traînent, mangent, s'embrassent.
J'y file et bien vite l'idée voit jour de revoir Garges. Tout à un goût délicieux de déjà vu, ce lac, ces pentes, ces ponts, la voie de chemin de fer. Je pédale, m'essoufle avec l'envie de rire. Mes jambes me portent et me voilà déjà sortant du parc, mauvaise sortie, je suis à Dugny, là où je crois avoir déménagé un collègue d'autrefois. L'effort continue et me voilà déjà récompensé par un parterre de fleurs où est écrit : "garges les gonesses".
Emotion et impatience, mon ami rouge me fait avancer le long d'une route fleurie de catalogues Ikea tombés de je ne sais où. J'opte pour le panneau "les doucettes" me conduisant au quartier où j'ai vécu. Je dépasse un marchand d'électro ménager d'où vient mon frigo et me voilà dans cet endroit aux facades si particulières. Les immeubles sont plus petits qu'ailleurs avec des pierres sur les facades grises. C'est d'une de ces maisons que karim était venu me dire sa colère aprés être sorti du commissariat suite à une "histoire" liée au lycée. Il tenait encore ses lacets entre ses mains et m'avait raconté l'interpellation à l'aube et les cris de sa mère bousculée par les policiers.
J'atteinds le rond point face au centre commercial sordide où les gamins trainaient souvent; Ils ont grandis mes élèves , je suppose que je n'en verrai pas dans la rue. Ils avaient 17 ou 18 ans, parfois plus, ils doivent être pères de famille maintenant alors que moi je circule à vélo avec la dextérité d'un conducteur manchot.
Je ralentis devant ce lycée où j'ai explosé. Je fixe ce lieu où une histoire entre mon amie d'alors et moi tenait du masochisme mutuel tant on s'est fait mal. Je me suis enfermé dans le travail entre ces murs là avec passion et destruction. Je me demande un instant si les gamins sont toujours en souffrance ici et poussés vers le pire d'eux même, si il y a toujours douze pour cent de réussite en BEP carosserie, beaucoup de questions dont je connais malheureusement les réponses.
Clic clac j'avance à nouveau, une maison de quartier a été construite là où je n'avais vu que des travaux en suspens. J'arrive dans un autre quartier "la cité des indous", est ce que le médecin asiat reçoit toujours dans cet appartement du sixième transformé en cabinet?
Les petits blacks qui jouent au foot avec un simili ballon étaient à peine nés quand je suis parti. parmi les plus grands l'un m'adresse un sourire, je crois reconnaître un gamin du lycée, ce n'était pas un des "miens" et pourtant je crois qu'il a crié mon nom aprés mon passage. Mon égo resplendit.
Arrivée devant la gare et marche arrière, retour vers le parc. j'emprunte trés exactement le trajet que je faisais à pied, des noms et des visages continuent de revenir sur le trajet, au compte gouttes ils m'accompagnent. Que sont devenus Mourad, adnane et tous les autres gargeois?
Je glisse entre deux roches qui interdisent l'accés aux voitures dans cette rue derrière les entrepots, là où je passais en courant avant d'escaler une grille toujours obstinément fermée.
Je quitte Garges, réintégre le parc, il a de magique qu'au bout de quelques dizaines de métres l'on s'enfonce et l'on ne voit plus que du vert, les immeubles sont masqués en un trompe l'oeil délicat. Je quitte garges et je l'ai retrouvé, le ventre plein de madelaines de banlieue je pédale doucement maintenant, sereinement.
L'autre jour le train était frais et
calme, moi j'étais dedans. C'était un vieux train, sans cheminot moustachu mais avec des
compartiments. Dans le petit espace nous êtions deux, en face de moi il
y avait ce petit bonhomme aux rides malicieuses et aux yeux brillants
sous ses cheveux blancs, son costume élimé avait dû être élégant dans
un temps d'avant.
Je me suis levé quelques instants, je
contourne les assis par terre, entre dans les toilettes et deux minutes
aprés je suis de retour.
L'étrange monsieur me fixe avec un curieux sourire
amusé et me dit : "Je ne vous ais rien volé". J'ai cru mal comprendre
alors je le fais répéter "je ne vous ais rien volé" confirme t'il avec
bienveillance.
Je n'ai pas eu grand chose à ajouter car il avait
envie de parler. J'ai seulement figé ma langue volubile et me suis
enfoncé dans la banquette sncf ou des femmes magnifiques et des types
puants avaient posé leurs fesses avant moi. Une fois bien calé j'ai
juste écouté...
"Je ne vous ai rien volé mais j'aurai pù,
j'avais le temps. Votre sac était posé, vous n'auriez rien deviné, rien
pû soupconner. Je pouvais l'ouvrir fouiller, trouver, dérober et me
replier derrière un visage facade.
Vous savez en fait je n'en ai
même pas eu envie. Je sais juste que j'aurais pû et que je ne l'ai pas
fait. En vérité je vous provoque un peu, quand j'étais kleptomane je ne
volais pas les particuliers, seulement un ou deux magasins.
La
première fois que j'ai volé j'étais enfant et c'était un jouet dans un
grand magasin. J'avais un âge microscopique mais un âge où l'on pouvait
parler. Un âge où l'on croit bêtement savoir ce que l'on fait avant de
réaliser que l'on sait que l'on ne sait pas.
La seconde fois est
riche de plus belles émotions. Ce disquaire mysanthrope me suivait
partout dans le magasin et ne me disait même pas bonjour, à moi qui
était fondamentalement honnête. Un jour je me suis rendu compte qu'il
m'avait suivi sur cinq cent métres dans la rue. C'est alors que j'ai
pris la décision. C'était d'ailleurs plus qu'une décision mais une
promesse, un serment, j'allais le déposséder ce fumier.
Quelques
jours plus tard je l'ai fait, en toute imprudence. J'ai filé avec un
disque qui ne m'a jamais vraiment emballé mais qui avait le mérite de
lui appartenir. Il avait marché sur mon honneur, je m'étais vengé.
C'était
mon premier vrai contact avec ce plaisir d'excitation et de peur, ma
première jouissance par des mains pas encore kleptomanes. Un vrai
plaisir avec cette énivrante dimension d'interdit , de fruit défendu.
Pourtant j'ai mis des années à récidiver, de bien longues années".
J'étais
devenu étudiant, je travaillais à côté d'où un nouveau et grisant
pouvoir d'achat me permettant de dilapider mon salaire en disques. Les
vendeurs de ce magasin là ne me disaient pas bonjour, me toisaient de haut alors que le gros
vigile me marchait sur les pieds et m'obligeait à me coller sur le côté quand il passait sans s'écarter en bombant son torse bovin.
Trés
bien...je l'ai fait, une fois, deux fois... Moins réussie cette seconde
vendetta car la sonnerie a retentie. Le gros était au fond du magasin,
j'ai entendu crier mais je devais le battre d'une demie heure sur 400
métres,j'ai donc fui à grandes enjambées, un second camouflet pour l'essouflé à costume.
Ce n'était que de menus larcins,
c'était avant la grande période, avant la maladie. C'est ensuite que je
suis devenu kleptomane, pas voleur, kleptomane. Je ne volais pas par
besoin, absolument pas poussé par des envies matérielles mais pour la montée
d'adrénaline. J'en étais là pour cette transe qui vous prend, vous habite.
je m'énivrais de cette skyzophrénie qui vous rend en apparence souriant
, décontracté alors que votre coeur palpite, s'agite.
Cela a
duré plusieurs années, chaque matin j'y allais et ensuite je pouvais
vivre, reprendre le cours d'une journée ordinaire. Avant il me fallait
mon explosion, mon chavirement, cette poussée de fièvre. J'avais mes
habitudes chez deux libraires que je quittais parfois avec sept
ou huit livres dissimulés içi et là, avec une énorme envie de rire indécent.
Je
stockais, je comptais ce que j'avais récolté. Je distribuais beaucoup autour de moi sans être
ce monsieur des bois car les élus n'étaient pas nécessiteux. Je le
faisais car je devais le faire, l'émotion vous dis je, l'émotion."
Le
train n'a pas sifflé trois fois mais approchait de cette petite commune
dont je ne me souviens plus le nom. Il m'a regardé avec un petit
sourire figé puis a adopté un ton solennel, grave: "Ne vous inquiétez
pas, même à l'époque je ne vous aurais rien volé. Je ne volais pas les
gens, c'était juste pour rire."
Il s'est levé et il est parti
lentement en agitant doucement la main. Le soir quand j'ai ouvert ma
trousse de toilette sur un petit papier froissé était inscrit d'une écriture douce et soignée "je ne
vous ais rien volé mais...j'aurai pû".
"Partir sans dire adieu". Une chanson
de LSD qui parle à un mort par volonté, comme cette lettre qui a trainé
un an sur mon pc et disait le pourquoi de mon départ. Je l'avais rédigée en janvier ou février en vue d'un
été qui devait être le dernier. Puis l'eau a coulé, les rivières se
sont asséchées, la neige est arrivée. Un an plus tard je suis toujours
là sans plus y penser jamais.
Le geste me ressemble peut être
pour son romantisme possible, par son côté absolu, par l'impossibilité à entrer dans la vie
qu'il traduit. Le geste me ressemble trés peu car il me manque la même
force qui en demi fond m'empêchait de me dépasser totalement, d'aller
au bout du bout quand le souffle est court. Le geste ne me ressemble plus car j'ai envie d'entrer
dans cette vie, de l'embrasser, d'y vivre mes rêves au lieu de la
regarder, perché sur une branche séche. Je ne vois plus mon corps qui
explose au passage d'un train, je ne m'endors plus en pensées dans une
clairiére isolée, je ne vois plus mon corps tomber de si haut et
tournoyer.
"Partir sans dire adieu" ou plutôt ne pas partir sans
dire adieu, c'est un passage de mon petit mot d'invitation au pot de
départ auquel je convie quelques collègues. J'en avais envie et pas
envie, au lieu de partir en vilain malheureux enveloppé sous une toge
noire d'incompréhension je vais m'envoler sur des sourires. J'en ai reçu de jolies
attentions d'ailleurs ces jours ci, une belle lettre d'un parent
d'élève me remerciant de "la sincérité de mes propos et du mot juste au
bon moment", des chocolats et quelques regrets exprimés.
J'aurai
vécu l'enfer içi, du harcélement, du mépris, de la grossièreté, des
tensions, le fait de côtoyer celle que j'ai aimé comme si ma vie en
dépendait et qui en fait est une étrangére qui vit tout tranquillement, comme si de rien n'était,
avec mon ex ami le plus proche. Un vrai cauchemard...
Hier
soir
je suis allé à une soirée où elle était alors que je les boycottais
auparavant ces soirées là. Souffrant trop de sa présence pour ne pas me
priver à regret de la compagnie de personnes que j'estime. Je suis peu
resté car
elle m'agaçait, elle occupait tout l'espace pour sur jouer, parler
d'elle, d'elle et d'elle. Le fait d'entendre parler de cet appartement
où elle vit et où j'ai passé des jours et des jours me paraissait
tellement médiocre. Je suis parti bien vite,sans elle je serais resté mais avant avec elle je ne serais pas venu. Je suis parti tout calmement en me disant que ça irait pour aujourd'hui.
J'ai marché au début de la
nuit, serein de constater que je n'étais pas triste, pas en colére ni
en souffrance, juste désintéressé par ce que j'avais à entendre.
Sur le trajet un type a l'air patibulaire
essaie de réparer une voiture télécommandée encadré de deux gamins dont
un petit black qui me sourie en me regardant fixement. Je les dépasse
et j'entends hurler. Le type me hèle,je me retourne en me demandant
quelle crise il me pique. Cela présage l'embrouille stérile du type
"pourquoi tu me regardes ?". Il me fixe avec sa tête de méchantset ses
sourcils froncés pour me demander tout gentiment si "je sais démarrer
ça" car il l'a acheté et "ne sait même pas la démarrer".
Je
ris intérieurement, les objets, la mécanique, tout cela m'est étranger,
j'ai quatre pieds gauches mon ami rouquin. Je ris car ce devrait
pouvoir se lire sur mon visage "je n'ai pas le permis de conduire" ou encore "les notices d'utilisation me torturent".
Je
poursuis mon chemin de la nuit, une rue , une riviére, je remonte une
autre rue à pic ou des étudiants rient. Je croise une jeune femme vétue
de blanc qui redoute tant les regards masculins que je passe dix métres
à fixer la direction opposée.
Je
ne sais pas démarrer les voitures, je ne sais pas me jeter sous les
rails, je n'ai pas sû me construire une vie dorée sur mes blessures et
mes grandiloquences mais... Je ne sais pas tout ça mais je ne vais pas partir
sans dire adieu. Je sais rédiger des cartons d'invitation ridicules,
faire sourire des princesses et parfois transformer les larmes en rire,
adoucir la peine ça vaut bien de changer un pneu non?
De
tout
mes invités de ce pot d'adieu je crois que j'en reverrai bien peu mais
je vais partir en disant "je vous aime". Je vais partir en disant
merçi. Je vais partir en soulignant le beau qu'il y a eu pendant ces
quatres années là à défaut d'avoir su lui donner la place d'honneur au
quotidien.Je vais partir en m'appuyant sur ce qu'on a fait de bien et
partagé de vibrant.
Partir la tête haute et le coeur qui aime c'est classe non?
Je n'ai toujours pas pris l'habitude de
boire un verre de champagne chaque matin pour célébrer le léger au
mépris du sordide de la vie, j'ai perdu celle d'humer une eau de parfum
vivifiante que l'on m'avait recommandée mais finalement cette journée
aura été marquée de cet esprit là.
Hier l'un des crétins qui m'a
bousculé vendredi était à la sortie. Je les croise sans arrêt dans la
rue, ils détournent les yeux maintenant, ça me fait des vaçances. Je ne
suis pas certain qu'un dépôt de plainte révolutionne leur mal être et
leur violence mais ça me fait des vacances et apporte une réponse à
leur grande question: tu vas faire quoi si je te touche?.
Les
gamins restent hystériques, Arthur Carrefour revenait d'une exclusion
de huit semaines. Son malaise permanent se traduit par son attachement
à jouer un rôle qui amuse les autres, celui du "gros con" comme il l'a
écrit sur son carnet de correspondance. Il pousse des crix d'animaux en
classe du haut de ses 16 ans, se déplace, gesticule, gémit quand je le
récupère en prenant une attitude de bébé malheureux.
Besoin
qu'on l'aime? Sans doute, lui aussi, encore un. Aujourd'hui il est venu
avec un sifflet, se fera exclure de deux cours avant que je
décide de le dispenser des cours de l'aprés midi tant il est surexcité.
Ses bras, ses jambes, ses machoires tremblent. Il aurait pris une
"boisson énergétique" me dit il... Alertée sa mère le laisse passer son
aprés midi en ville...à la recherche de la table ronde?
Quand je
lui dis qu'il se cache , qu'il dissimule sa peur de l'échec derrière ce
personnage de crétin il est touché un instant, juste un instant avant
que le sketch ne reprenne.
J'ai confisqué un sifflet et une
balle, petite récolte aujourd'hui. Un élève gigantesque est puni dans
une salle pour avoir une nouvelle fois renversé un petit avant de
commencer à m'engueuler, une autre de ses habitudes que de lever
toujours le ton. La moitié de la cour devient muette quand ma voix
d'ogre s'extirpe de ma carcasse de liliputien pour hurler stop.
Blablabla,
pim pam, poum," ne fais pas çi", "ne fais pas ça", "il est interdit de
mordre son prochain", "non machin on ne doit pas s'amuser à faire mal
aux autres " car "c'est drôle".
La bulle d'air c'est quà 10H30
j'ai convoqué les trois petits diables de "fromagers" avec Hanna,
l'élève plus agée fan de l'un d'eux. Je les mène dans un recoin
interdit aux élèves où ils passent à chaque récréation. Le fait que je
porte un sac les intrigue et les inquiète car ils redoutent une
punition. Ils me demanderont même si je veux leur faire "nettoyer les
murs".
Je prononce un bref discours hommage à leurs exploits
avant de leur offrir trés solennellement un tourteau fromager. Les
petites canailles ont le visage avalé par un sourire magnifique. Une
photo immortalise la scène fugitive. Un second cliché réunit une
Hanna sur un nuage et le petit Nassor qu'elle aime comme une
peluche noire.
C'était l'instant champagne, dans trente secondes je vais recommencer à jouer à " c'est ki ka fait quoi?".
Mes
yeux sont lourds comme cette lettre d'un parent d'élève "en colère" car
l'on refuse une demande formulée avec un mois de retard sur le délai
fixé. Un mois..c'est quoi dans une vie? A midi c'était
raviolis...fromage of course.
Ce
jour là j'allais faire un break dans ma journée de crs pour enfants en
me permettant une demie heure de détente avec un groupe d'élèves ayant
participé à un voyage scolaire.Une demie heure sans dire "fais pas çi,
fais pas ça", un vrai moment de bonheur. J'allais les rejoindre,
déguisement doré sous une veste pour les amuser, lors d'une projection
de photos du voyage quand un fromage s'écrasa à mes pieds et que je vîs
quatre élèves de sixièmes détaler dans les couloirs.
Les
couloirs c'est évidemment un espace interdit aux petits diables et le
lancer de fromage n'a pas encore intégré la liste des savoirs
indispensables. Je leur hurle de s'arrêter de ma plus belle voix
d'ogre. Je peux les voir partaitement à trois mètres de distance,
d'autant plus identifiables qu'ils n'ont pas des physiques ordinaires.
Il y a Nassor, un petit black au sourire canaille qui doit mesurer 1
mètre 30, un de ses amis inséparables est lui roux aux cheveux dressés,
les deux autres les accompagnent constamment.
Je hurle mais ils
se mettent à courir et moi derrière eux alors que je suis déjà en
retard. Ils arrivent avant moi dans la cour, se séparent et se mettent
à marcher l'air décontracté en regardant en l'air comme si de rien
n'était. Je les rassemble avec le calme de Jack Nicolson dans "Shining"
et me lance dans quelques vocalises barbares. Les enfants me répondant
bêtement ( comme des enfants) qu'ils ne savent vraiment pas qui à pû
jeter ce pauvre fromage écrasé.
Je les amène avec moi dans la
salle où attendent les ex voyageurs et leur explique que nous avons
trois invités ( le quatrième m'avait filé entre les doigts
provisoirement), de "grands lanceurs de fromages" et c'est là que j'ai
trouvé leur surnom "les fromagers".
"Les
fromagers" m'amusent beaucoup, içi d'ailleurs eux aussi s'amusent
beaucoup à défaut de bosser un peu. Ils courent, se cachent partout et
à chaque fois que je les prends en faute ils m'expliquent que " c'est
la première fois". Ils font parti de ces petites canailles qui ne font
pas de mal et sourient en permanence. Le petit Nassor a un public, une
élève de troisième fan de lui, je crois qu'il stimule son instinct
maternel. A sa dernière petite bêtise je l'ai confiée au groupe de
filles dont son admiratrice fait parti, elle était aux anges.
A
chaque fois que je les croise je leur demande comment vont les
"fromagers" et ils se mettent à glousser en cadence, ils se sont même
choisis chacun un nom de fromage mais cela devient trop complexe pour
ma mémoire de lliliputien.
A
la fin de l'année, dans quelques
jours donc, je vais leur offrir des fromages en cadeaux souvenirs, avec
une photo souvenir en prime ce serait l'idéal. Le rêve étant parfois
accessible je vais me faire prêter un appareil photo pour immortaliser
la remise des cadeaux fromagers aux diablotins et demain tout
sera beau comme un lancer de fromages par un lutin d'un métre trente.
Je ne l'ai vue qu'une fois de tout ma
vie et plusieurs années ont déjà défilées . Un jour ça a été " si je
n'avais pas été mariée tu serais sûrement devenu l'homme de ma vie,
voila c'est dit. Je t'embrasse tendrement".
Elle m'appelle
"mon prince". J'ai été à elle par esprit de découvertes ( oui ainsi
Dame) et je n'oublierai jamais cette nuit de réalisation. De
mes quelques nuits d'amour- jeux c'est sans doute la plus belle.
J'ai été
là de loin quand la maladie prenait ses forces et que je voulais lui en
procurer d'autres. J'ai été là pour rire, désirer écouter quand elle se
posait des questions. Le soir où ma vie pouvait finir c'est elle que
j'ai eu au téléphone.
Aujourd'hui ça a été "j'ai toujours pensé
à toi Frédéric" et je me sens serein, le vent peut souffler autour de
moi. Le monde peut exploser de folie, la mienne est douceur, amour ,
luxure même si j'occuperai seul mon lit ce soir.
Je
ne sais pas
si nous vivrons bientôt un moment doux et violent d'une banalité
extraordinaire sans cravache, photos ni decorum, peu importe
puisqu'elle m'estime et que l'essentiel est là. Nous ne saurons jamais
ce qui aurait été si... puisqu'elle aime ailleurs. Nous ne saurons
jamais et
du coup profitons de ces belles étincelles, de cette jubilation à se
savoir proches sans l'être.
Il est des amours qui déchirent,
engloutissent, d'autres vécus sagement dans leur démesure. Ne rien
attendre, savoir ce qui ne sera jamais, c'est avec elle se donner tant
et plus que mes souvenirs fétiches.
A Garges j'étais minoritaire, blanc
bec, "jean François", Tintin au Congo et pas le seul dans la minorité
blanche. L'on dit que les établissements scolaires de ces quartiers là
sont trés hétérogènes dans leur population, c'est faux , il y a de tout
sauf du blanc.
Ce jour là je recevais Adil, il était impliqué
dans une bagarre trés violente où un groupe d'élèves d'un quartier s'en
était pris à deux fréres vietnamiens d'origine mais surtout issus d'une
autre cité jusqu'à être au bord du lynchage. L'événement était
évidemment rarissime et risquait d'entraîner l'exclusion
définitive de ce jeune homme un brin agité dans une classe à l'état
d'esprit irréprochable.
Il était venu me convaincre qu'il n'y
était pour rien et qu'il n'était intervenu que pour défendre un "petit"
qui prenait des coups. J'avais déjà recu Acil plusieurs fois pour de
petits soucis relationnels avec d'autres élèves, des menaces aussi.Il
me respectait mais était aussi sur le mode de la séduction. Il
cherchait,comme beaucoup de gamins, à plaire, à donner une bonne image
pour mieux mettre l'adulte dans sa poche.
Ces gamins là auront
toujours un avantage net sur ceux qui vous crachent à la figure, même
quand on n'est pas dupe on a le sourire.
Pour me convaincre de
son innocence il fit défiler les arguments: "Vous me connaissez
Monsieur je suis contre la violence". Hum...un brin douteux...
"Vous
savez que j'ai tout fait pour qu'Eric s'intégre içi. Je l'ai présenté à
tout le monde. Ce n'était pas facile pour lui de s'intégrer avec sa
couleur de peau".
Eric était grand, blond, yeux bleus et venu de
Paris, son nom avait une racine latine du type Britannicus. C'est vrai,
ce n'était pas facile avec sa couleur de peau...
Tellement subjectif cette notion de minorité. Là bas un blanc blanc était minoritaire,dans la réserve, chez les exclus.
La couleur...personne n'était dupe de l'exclusion, quoi que ...
Mohamed
était un élève violent, agressif, il avait déjà été exclu d'un
établissement précedemment. Il m'avait raconté son départ vers un autre
établissement, loin de chez lui. Il avait trouvé ce collège là trés
calme, trés sérieux car "c'était un collège de blancs, sans arabes".
Mohamed a continué en m'affirmant que " ce sont toujours les arabes qui
foutent le bordel, vous savez bien monsieur".
On a discuté un
bon moment, moi à tenter d'expliquer à un jeune maghrébin que les
arabes ne sont pas forcemment des voleurs et des violents mais que les
exclus le sont plus souvent que les nantis.
Le monde est bien fait quand les préjugés sont assimilés par ceux qui en sont affublés.
Tout à l'heure pendant le conseil de
discipline un prof a demandé au voleur de portable pourquoi il avait
volé, il a répondu que "c'était pour le style" ( prononcer avec un
aiie), pas pour revendre mais pour être respecté par ses amis.
Je me demande si j'ai déjà fait des trucs "pour le style" comme un vieux groupe punk chantait "Pour la gloire".
Quand
je me suis tourné vers le punk à 14 ans c'était pour tout sauf "pour le
style". c'étaient une musique et une allure qui disait "merde!", qui
disaient "je ne suis pas de ce monde là". A l'époque je détestais le
mot
rock parce que je le ressentais comme une caricature, comme un truc de
beauf hyper codifié. Le rock pour moi c'était machisme et poses, ça
voulait dire "salut les filles", "c'est moi qui pisse le plus loin".
Avec le temps on relativise, on délaisse les étiquettes et les mots réducteurs quand
ils sont maniés pour exclure et font de votre personnalité une momie désséchée.
Le
punk c'était "je suis une merde et je vous emmerde", on y venait par
cicatrices, détresse et amour d'une musique de déchirement, pas pour
être super cool et reconnu. Le punk c'était dire j'existe mais "pas
comme ça" .Ce n'était pas se déguiser pour briller en tenue de ceci
cela comme quand on est gamins dans le magasin de jouets et qu'on
commande sa tenue de cadre, de super héros, d'Argonaute ou de capitaine
de l'équipe de football américain.
Je me rappelle que mes copains de lycée avaient tous des docs ou des rangers. Mes chaussures étaient mortes, je me
suis retrouvé avec une vieille paire en plastique,
minable selon nos goûts d'alors. Je n'étais pas membre juste " pour le
style" de cette famille de loqueteux et pourtant qu'est ce que c'était
important de ne pas porter les vêtements des gens "normaux".
Est ce que ma mére ne pouvait pas m'offrir la paire de chaussures dont je voulais ou est ce que je le pensai seulement? Je crois d'ailleurs que j'avais même les pieds trop petits pour postuler aux modéles de Doc Martens auxquels j'aspirais.
Quoi qu'il en soit lorsque je suis arrivé
affublé de mes chaussures impropres aux codes des rebelles d'alors j'ai
suscité des éclats de rires me suis senti trahi, pour moi c'étaient
les méchants bourgeois qui se moquaient des autres car ils n'avaient
pas de sébago, de chevignons et autres marques standards. Je me suis senti trahi car leurs moqueries m'éloignaient d'eux aussi.
J'avais
envie de dire "pas sur les fringues et les méres" mais à l'époque ça se
disait pas encore parce que personne ne te traitait si souvent de "fils
de...".
A 14, 15 et 16 ans c'est presque toujours tout pour le style , pour l'apparence puisque l'on ne pense pas encore. J'ai
vite fait scission , scission d'avec la scission pour fuir les groupes
se voulant super cools . J'ai intégré des sous sections de
l'internationale des parias volontaires. Les sous divisions on les
quitte vite quand on ne veut pas oeuvrer "pour faire style" car tout
courant meurt peu aprés sa naissance. Tout courant, toute tendance
meurt dés que reconnaissance et marketing arrivent affamés. C'est
valable pour les recherches identitaires d'ados scarifiés comme pour le
reste finalement. Une idée qui naît meurt dés qu'elle reprise par des
groupes qui adhèrent mais ne pensent plus.
"Si j'avais un uniforme ou une cause à rallier j'en sais rien ce que je choisirai à coup sur ce serait bien."
Si
je portais un uniforme il faudrait qu'il soit produit à bien peu
d'exemplaires , pour que je n'étouffe pas dans une meute. Une meute où
un même cerveau est divisé en tant et tant de morceaux jusqu'à finir
débiles à force de se copier les autres.
L'immaturité est un mot hypocrite fabriqué par des adultes qui refusent
d'accepter l'idée qu'ils sont toujours aussi navrants. Si je mets des
guillemés et que j'invente un nom de philosophe russe ça pourrait faire
une citation...
Le punk est mort, le rap est mort, les mots naissent et meurent, le monde bouge et reste immobile sous la lune pleine.
Gare de Chelles, train de 17H14 direction Paris.
En face de moi deux personnes discutent l'une en face de l'autre, je sens qu'ils ne se connaissent pas.
Une jeune femme brune, 20 ans, beaucoup de charme. Elle porte une jupe noire d'autant plus courte qu'elle est assise, des impressions blanches sur le tissu, collants sombres, bottes épaisses d'esquimeau. Son décoletté met en valeur sa lourde poitrine, trois colliers de longueurs différentes réhaussent le tout. Ses yeux sont magnifiques, pétillants, soigneusement maquillés. Elle a une casquette façon grand pére portée à l'envers d'où s'extraient de longs cheveux noirs.Son aspect "arti" est encore renforcé par le carton à dessins et sa grosse bague verte.
En face d'elle un jeune type de son âge, un peu plus peut être mais je ne le vois pas de face. Il est vétu d'un débardeur bleu, cheveux courts, casquette façon kangol, un walkman et a un phrasé de banlieusard.
Elle lui explique qu'elle entre en histoire de l'art l'an prochain mais que cela l'ennuie comme si elle livrait un secret honteux ou tout simplement avait peur de sa réaction à lui.
Il est de jolies surprises parfois...
Il lui répond qu'il adore l'histoire de l'art, que c'est passionannt, que cela permet de comprendre le monde, tout ce qui se trouve autour de nous. il lui parle des mesures de transport édictées par les romains. il lui explique qu'il préfére la renaissance à l'art primaire, toujours avec son phrasé saccadé de jeune banlieusard il s'anime, illustre l'apport de chaque période avec des mots simples.
Elle boit ses paroles et c'est tout beau...
Il lui demande un stylo, du papier et débute son portrait, le silence se fait intense, dommage seulement qu'elle adopte cet air figé, trop sérieux, pas assez triste pour qu'une autre forme de beauté s'inscrive sur son joli visage.
J'aimerai que le temps se fige, que le train n'arrive jamais mais nous sommes trop vite à paris. Le train se fige gare de l'est mais ils ne descendent pas. J'ai envie de rester avec eux mais ce moment leur appartient. Je me lève le visage est à moitié dessiné, elle y tiendra, joli trésor...
Ce matin c'était bien être , sept
heures de sommeil, un peu plus peut être même et ça faisait une
éternité que cela ne m'était pas arrivé. Bien être, du mal à décoller.
J'y suis bien dans mon nid douillet, l'odeur d'encens ne s'est pas
échappé et c'est moi qui doit décoller. J'arriverais à tout faire ce
matin, même manger, porter des vêtements agréables. J'arrive au boulot dans les temps même
si depuis quelques semaines j'arrive aprés mes surveillants, ce que je
m'étais toujours refusé à faire "avant".
Journée bizarre, comme
un dimanche, jour de travail suivant un jour férié, cent cinquante
gamins absents, tranquillement absents. J'y suis, j'y suis resté, un
sourire toute la journée. Une gamine dira de moi que j'ai un cahier de
blagues. Je n'en ai que de mauvaises, c'est vrai et pourtant à chaque
fois que la croise elle attend avec un sourire complice celle qui
viendra.
Je l'ai faite passée avant l'heure à la cantine, suis je corrompu?
Des
correspondants allemands sont là pour une semaine, des correspondantes
aussi dont quelques gamines un peu maquillées, un peu découvertes, une
jolie blonde attire la convoitise... Vingt gamins bavent tout autour
d'elle, la regarde comme si elle était une bête curieuse, veulent la
photographier...la classe française. Les enfants...on s'achéte un
cerveau? Les hommes sont lourds le temps de leurs érections possibles:
ça commence tôt et finit tard.
Tic-tac, le temps passe
doucement...Une mére m'appelle pour se plaindre que l'une de mes collégues,
qu'elle a eu au téléphone, lui "a mal parlé", désarmant... Cette dame là
me hurle toujours dessus quand je l'ai au bout du fil, pas méchamment
mais parce que son fils la fait craquer, pas facile d'être
parent...définitivement.
Petite ballade post boulot aprés une
pause internétique. les chats m'ennuient sur le net, tout le monde semble se
répéter "j'ai envie de baiser" ou devoir dire "je suis génial". Ca manque tellement de profondeur, c'est
un comble n'est ce pas?
Dehors il fait beau, les gens marchent
lentement, les filles ont sortis leurs vêtements à ventres qui
dépassent plus ou moins avantageusement et les hommes leurs tenues à
bras dehors. "La tentation de Saint Antoine " n'est pas arrivée chez le
libraire. Je résiste à quelques autres livres qui clignent des yeux
quand je passe comme ces prostituées dans la rue à qui je voudrais dire "j'ai mal pour toi ma soeur", je suis héroïque.
Dans le square à côté les
blacks habituels avec des minettes conquises, tous défoncés bien sur, des
biéres et leurs enfants au milieu de la décrépitude, parmi ceux là je ne sais pas pourquoi mais je
sens qu'aucun ne sera ingénieur.
Je rentre dans la cour, le buste du Roi semble me regarder, dis moi bon roi qu'est ce que tu en penses toi?
"..le Roi, le Roi de quoi? Le Roi d'un pays qui n'existe pas..."
Soirée battle de mc's en ouverture d'un concert dans ma bonne ville de Poitiers l'an dernier.Des rappers s'affrontent en petits duels thématiques. Par ses mots, son éloquence chacun doit prendre le meilleur sur l'autre avec un minimum de règles: durée fixée,respect de l'autre, pas d'insultes. A l'issue de chaque duel le vainqueur poursuit le tournoi jusqu'à la finale.
L'on peut bien sur regretter qu'aucune dame ne donne un morceau de tissu horné de ses couleurs, les traditions se perdent...
Les rappeurs ce soir
sont des charcutiers, du gras, du gras, pas de duels d'esprits, juste
du concours de gros zizis. A deux ou trois brillantes exceptions
prés ça donne du "je vais te baiser", "t'as rien dans le pantalon",
"j'encule les faux" ( par pitié princesses de donnez pas vos fesses à
ces hétéros pur porc il les maltraiteraient). Beaucoup de mention de ce
qu'ils ont de puissant dans leur pantalon, de ce qui fait d'eux des hommes,
des vrais, "pas des pédés". "Pédé" a dû résonner autant de fois que
"bougnoule" à une buvette de meeting d'extréme droite.
La majorité de ces rappeurs là sont des charcutiers, ils vivent grassement bercés par des
pensées putrides, leurs rêves pataugent dans la médiocrité comme les
pieds du boucher dans le sang. Ils sont insolents et narquois dans la médiocrité
avec l'excuse de leurs vingt ans. "Je suis pas un pédé" répété en
boucle , boucle d'or en pleurerait la pauvre et pure.
L'on finit
sur du meilleur, les quatre demi finalistes ont plus de talent, le
sourire prend la place laissée vide par la vulgarité.
Spoke
orkestra jouent ensuite, du slam, de la poésie sonore et accessible. Il
s'agit de textes déclamés par trois personnages aux univers
distincts. Leur
point commun est que les textes sont sombres, sombres et
jubilatoires, libérateurs sans doute, parfois tellement outranciers que
le rire naît.
Franco Manara est leur bidouilleur, arrangeur qui
les accompagne musicalement, musique, bruit ou dissonances à l'aide
d'harmonica, claviers, guitare , à chacun son univers.
Le concert, la performance ( comment on dit?) se fait dans une ambiance trés théatrale, chacun est vétu de noir, pas de décorations, quelques chaises seulement.
Les trois se succédent. Il y a D' de kABAL, rappeur canal historique aux textes politiques, réalistes évoquant banlieue, suicide, violences familiales, abandon des quartiers. Il scande, souvent lentement, modifie sa voix théatrale et surpuissante, tantôt grave, tantôt zozotante, créant un climat où les mots semblent raisonner dans un silence intense.
Il y a Felix, yeux exorbités, comme exalté, il énumère sur un rythme saccadé, axe ses textes sur la société de consommation, le rythme éffrèné du monde. Filiforme, les cheveux ras, il est sans doute le moins dur du trio, le plus souriant aussi. Il jouera un texte trés amusant sur le lancement par panini de vignettes consacrées aux meilleurs crimes puis de sonneries de portables avec vos vedettes préférées agonisant.
Il y a ensuite Nada, "l'ange noir"à la présence forte, son univers c'est les toxicos, les trans, la prostitution. C'est beau et sombre, des yeux qui roulent, une tension sur le visage, la voix tonne, il crie par moments, de la noirceur, le visagese crispe parfois et des sourires aussi. Les mots rebondissent, provoquent.
lls sont assis à l'arriére plan et se succédent, pas de répit, tout est sombre, jamais complaisant, une amie dans un concert m'avait dit que "c'était comme la pluie, ca nettoie", ils nettoient sans doute.
Nada ratera son
enchaînement sur le seul texte où ils étaient censés se succéder en
expliquant les yeux fixés sur une belle demoiselle "excusez moi j'avais
les yeux fixés sur cette belle demoiselle, je rêvais et...je me disais
qu'au lieu de me masturber trois fois par jour si elle pouvait me
prêter son cul...".
Belles les horreurs...
Fin de soirée,
le groupe à joué. Ils improvisent un clash à leur tour. Il y a là D' de
kabal , Nada "l'ange noir" et leur complice Yoahn, étrange
bonhomme à la tenue androgyne.
Ils prennent le micro et reprennent les mêmes thèmes, singeant consciemment ou pas certains déclameurs de tout à l'heure:
D'
prenant une voix d'enfant ridicule : "Je vous ais vus toi et Yo sur
internet faire des trucs avec vos sexes, vous êtes des zomosexuels".
Nada: "Oui je suis Mc Gay, demandes aux travs du bois de boulogne, moi et Yo elles nous connaissent par coeur".
Les charcutiers de tout à l'heure sont devant, tous alignés, est ce que dans leurs petites têtes ils couinent comme des cochons?
Si un livre, une image, un moment brillent c'est qu'il est tant de charcutiers autour, c'est que le vide pourrit le reste.
Réapprentissage, retrouver des
sensations, je pars courir, samedi, dimanche c'était 20 ou trente
minutes. Je décide que je peux davantage. Je pars pour un tour plus
grand, plus loin, en sortant un peu de la ville au lieu de jouer au
hamster et sa roue dans le petit parc.
Réapprentissage, le
plaisir n'est pas encore totalement là, je n'en suis pas encore à cet
état de bien être où l'on regarde ses jambes courir, s'agiter, voler,
détaché.
J'en suis seulement au stade où elles s'alourdissent au fur et à mesure, le souffle vient, repart.
J'entame
un trajet que j'ai emprunté des dizaines de fois, hivers, étés. Je suis
sur mes derniéres semaines içi, je le visite comme une terre familiére
que je retrouve et à qui je dis au revoir à la fois. Je peux situer
chaque partie. je peux prévoir là où je sentirai la fatigue car
le sol s'élève, là où je me sentirai aérien et accélérerai avant de me
retrouver nez à nez avec une nouvelle pente.
Aprés le fleuve,
aprés le chemin de terre je traverse le quartier résidentiel, un
escalier a changé de place, seul changement, grosse surprise aprés
quelques mois sans passer ici, ça doit être cela l'impermanence.
Pas
de traversée de l'aqueduc, je prends le raccourci pour me ménager, un
couple d'anglais en vtt me laisse le passage alors qu'un groupe de
crétins m'avait hurlé "vas y plus vite!".Le savoir vivre...c'est qui me
fait me sentir souvent si loin des habitants du monde de boue.
Le
chemin de terre frais entre deux rangées d'arbres, le pollen semé par
le vent crée un tapis de neige sur le sol, froid et chaleur, joli comme
une japonaiserie. Je pense à une image d'Hiroshima, à une belle femme
en kimono traditionnelle portant des marques sur le corps, une
esthétique de la violence...
Il est rare que je cours sans
penser, comme dans la vie au fond. Je me libére juste un peu plus
souvent, parfois l'on se cantonne au rythme de son souffle, aux
sensations physiques, au sol qui défile, à la sensation du pied qui
caresse, se déplie ou martéle au gré de la forme.
Les pensées
sont donc le plus souvent là, c'en est épuisant. C'est un disque rayé
qui répéte le même refrain inlassablement, des journées qui se résument
à l'identique parcours,tic,tac. Je pense que je pense, je pense aussi à
ce que j'écrirai içi depuis quelques temps. Je vois des visages, des
amies vraies ou virtuelles, je pense à Dame qui m'a donné envie
d'écrire. Sur le petit chemin où l'herbe est haute le long de la
riviére j'ai encore ce flash d'un serpent qui mord ma cheville et
s'enfuit.
Parlez moi de vos rêves Monsieur Machin m'a dit le
psychiatre. Il avait l'air de s'en foutre tant et tant que je l'ai vite
zappé le fumeur de cigares. Ma peau rougit , les cinq ou six marques de
brulures d'allumettes se distinguent un peu. Brulures d'allumettes, je
suis un doux même dans mes dérives, c'est loin tout ça...
Terminé,
50 minutes moins 25 secondes, je croise trois chinois, une fille, ses
cheveux touchent le sol une fois détachés, elle doit dormir sur un lit
doux et sombre.
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to internet... les pieds me brulent...le coeur est calme...une
discussion éclair sympathique;..jerry uelsmann..Aimes toi et le ciel
t'aimera.
J'ai envie de poser à nouveau...