Du punk à la lune
Tout à l'heure pendant le conseil de
discipline un prof a demandé au voleur de portable pourquoi il avait
volé, il a répondu que "c'était pour le style" ( prononcer avec un
aiie), pas pour revendre mais pour être respecté par ses amis.
Je me demande si j'ai déjà fait des trucs "pour le style" comme un vieux groupe punk chantait "Pour la gloire".
Quand
je me suis tourné vers le punk à 14 ans c'était pour tout sauf "pour le
style". c'étaient une musique et une allure qui disait "merde!", qui
disaient "je ne suis pas de ce monde là". A l'époque je détestais le
mot
rock parce que je le ressentais comme une caricature, comme un truc de
beauf hyper codifié. Le rock pour moi c'était machisme et poses, ça
voulait dire "salut les filles", "c'est moi qui pisse le plus loin".
Avec le temps on relativise, on délaisse les étiquettes et les mots réducteurs quand
ils sont maniés pour exclure et font de votre personnalité une momie désséchée.
Le
punk c'était "je suis une merde et je vous emmerde", on y venait par
cicatrices, détresse et amour d'une musique de déchirement, pas pour
être super cool et reconnu. Le punk c'était dire j'existe mais "pas
comme ça" .Ce n'était pas se déguiser pour briller en tenue de ceci
cela comme quand on est gamins dans le magasin de jouets et qu'on
commande sa tenue de cadre, de super héros, d'Argonaute ou de capitaine
de l'équipe de football américain.
Je me rappelle que mes copains de lycée avaient tous des docs ou des rangers. Mes chaussures étaient mortes, je me
suis retrouvé avec une vieille paire en plastique,
minable selon nos goûts d'alors. Je n'étais pas membre juste " pour le
style" de cette famille de loqueteux et pourtant qu'est ce que c'était
important de ne pas porter les vêtements des gens "normaux".
Est ce que ma mére ne pouvait pas m'offrir la paire de chaussures dont je voulais ou est ce que je le pensai seulement? Je crois d'ailleurs que j'avais même les pieds trop petits pour postuler aux modéles de Doc Martens auxquels j'aspirais.
Quoi qu'il en soit lorsque je suis arrivé
affublé de mes chaussures impropres aux codes des rebelles d'alors j'ai
suscité des éclats de rires me suis senti trahi, pour moi c'étaient
les méchants bourgeois qui se moquaient des autres car ils n'avaient
pas de sébago, de chevignons et autres marques standards. Je me suis senti trahi car leurs moqueries m'éloignaient d'eux aussi.
J'avais
envie de dire "pas sur les fringues et les méres" mais à l'époque ça se
disait pas encore parce que personne ne te traitait si souvent de "fils
de...".
A 14, 15 et 16 ans c'est presque toujours tout pour le style , pour l'apparence puisque l'on ne pense pas encore. J'ai
vite fait scission , scission d'avec la scission pour fuir les groupes
se voulant super cools . J'ai intégré des sous sections de
l'internationale des parias volontaires. Les sous divisions on les
quitte vite quand on ne veut pas oeuvrer "pour faire style" car tout
courant meurt peu aprés sa naissance. Tout courant, toute tendance
meurt dés que reconnaissance et marketing arrivent affamés. C'est
valable pour les recherches identitaires d'ados scarifiés comme pour le
reste finalement. Une idée qui naît meurt dés qu'elle reprise par des
groupes qui adhèrent mais ne pensent plus.
"Si j'avais un uniforme ou une cause à rallier j'en sais rien ce que je choisirai à coup sur ce serait bien."
Si
je portais un uniforme il faudrait qu'il soit produit à bien peu
d'exemplaires , pour que je n'étouffe pas dans une meute. Une meute où
un même cerveau est divisé en tant et tant de morceaux jusqu'à finir
débiles à force de se copier les autres.
L'immaturité est un mot hypocrite fabriqué par des adultes qui refusent
d'accepter l'idée qu'ils sont toujours aussi navrants. Si je mets des
guillemés et que j'invente un nom de philosophe russe ça pourrait faire
une citation...
Le punk est mort, le rap est mort, les mots naissent et meurent, le monde bouge et reste immobile sous la lune pleine.